Mission novembre 2019
Lundi 4 novembre 2019,
Une partie de l’équipe est arrivée sur Phnom Penh, trois autres thérapeutes arrivent dans une semaine. Demain matin, nous avons rendez-vous avec la responsable des ONG à l’ambassade de France.
Mercredi 6 Novembre 2019,
Rencontre avec l’un de nos 3 interprètes cambodgiens, qui va nous assister lors de nos séances et nous permettre de faire le lien patient-thérapeute.
Leur rôle est très important puisqu’ils vont nous permettent d’assurer des soins de qualités en ayant une bonne comprehension de la problématique du patient.
Jeudi 7 Novembre 2019,
Nous avons eu le plaisir de rencontrer Mme Théary Sath, responsable de l’ONG Association Humanitaire. Elle nous a également donner l’occasion de rencontrer M. Loak Chhay, vice secrétaire au Sénat à Phnom Penh.
Nous avons pu obtenir les informations nécessaires pour l’enregistrement de notre ONg au Cambodge.
A noter que M. Loak Chhay est joueur et fan de football et nous avons avons la chance d’avoir, dans notre équipe de thérapeutes, un excellent entraineur! Eric s’est donc tout naturellement fait plaisir en allant assister à un match de foot avec M. Loak Chhay et lui a, tout aussi naturellement, soigné une douleur à la main ….
La fin de journée a été toute aussi passionnante puisque nous avons eu le plaisir de rencontrer Mme Pioun MEN, médecin généraliste. Elle va accompagner Sarah BUDD et Mani Burband lors de la formation obstrétique qui est prévue sur la mission de février.
Déroulement et organisation de la mission
Le planning des 2 semaines :
3 jours au dispensaire de CHREY
2 jours au dispensaire de PREY TROLACH
5 jours à l’hôpital de Moeung Russei
1) Organisation de l’équipe
Nous nous répartissons en binômes, 3 binômes donc, et un stagiaire en 3ème année de formation, qui ira de l’un à l’autre durant toute la mission en observation. En fonction de la difficulté, ce stagiaire participera aux soins en étant supervisé par un thérapeute.
Notre choix d’une prise en charge du patient par 2 thérapeutes présente plusieurs avantages :
Il permet un soin complet et simultané à l’aide de techniques complémentaires : acupuncture et Tuina par exemple. Le patient se sent « enveloppé » et se détend rapidement.
Le diagnostic est discuté et argumenté par chacun, afin de choisir un protocole de soin adapté.
Les volontaires ne connaissant pas le terrain sont plus rassurés, et peuvent être coachés par ceux qui en ont déjà fait l’expérience
Accueil du patient par un traducteur :
Une fiche de renseignement est préparée par notre interprète, détaillant les informations sur le patient, le motif de sa visite, les événements traumatiques et le parcours général de santé.
Cette fiche permet de préparer l’entretien approfondi qui suit la prise en charge.
Evaluation du niveau de douleur : (EVA°)
Sur une échelle graduée de 0 à 10 (0 = 0 douleur, 10= douleur très forte), nous expliquons le principe d’évaluation du niveau de la douleur au patient, qui donne ainsi SA perception de SA douleur, avant et après le traitement.
Les chiffres en tant que tels ne parlent que dans un rapport de plus égal ou moins. Nous choisissons de prendre cette méthode afin de cerner le niveau d’efficacité du traitement, évalué par le patient lui-même.
Diagnostic et protocole de soin :
Une fois le diagnostic posé le choix du traitement est fait, utilisant acupuncture, massage thérapeutique, gua sha et ventouses de façon adaptée.
Les aiguilles ne sont utilisées qu’une seule fois et jetées dans un container approprié, mis à disposition.
2) Lancement de la mission
Réunion avec le directeur de l’hôpital DR Peou Sovannarin le lundi matin :
Il établit un emploi du temps qui prévoit 4 lieux de visite et soins différents dont 2 dispensaires éloignés.
Au final, nous décidons de limiter le nombre à 3 dont l’hôpital, afin de rester plus longtemps dans chaque lieu.
2.1 Le Dispensaire de CHREY
Nous y restons 3 jours, du 11 au 13 novembre.
Situé à 3 km de Moeung Russei, le dispensaire est assez vaste. Le personnel se compose d’une équipe mixte de 5 à 6 infirmiers/ières.
3 salles de soins individuelles nous sont attribuées dans lesquelles nous utilisons les tables de soin locales.
L’information ayant été relayée, un groupe de patients nous attend dès notre arrivée.
Le personnel nous suivra durant tout le séjour, curieux et intéressé.
Très bonne synergie, et le responsable du dispensaire regrette que nous partions si tôt.
Les principaux motifs de consultations :
Douleurs articulaires, dos hanches, jusqu’aux chevilles | 26 |
Douleurs tête, nuque cervicales | 10 |
Douleurs des genoux, simples ou avec une ou plusieurs articulations | 6 |
Douleurs dûes à des traumatismes : chutes ou accidents | |
Douleurs genoux avec fourmillements des membres et/ou des pieds | |
Douleurs et brûlures estomac | |
Douleurs multiples de la tête aux pieds | |
Douleurs du dos avec insensibilité et oedèmes des membres inférieurs | |
Douleur d’un ou des 2 poignets | |
Maux de tête, nuque et douleurs aux jambes | |
Maux de tête, vision brouillée | |
Entorse de la cheville | |
Douleurs membres supérieurs et inférieurs | |
Hémi-paralysie de tout le corps | |
Paralysie des jambes |
Les patients venaient souvent avec de multiples plaintes qu’il a fallu prioriser. Une seule séance ne suffisant pas pour tout régler, nous avons choisi de soulager les douleurs en premier lieu.
Nous avons pu revoir plusieurs fois quelques patients afin de consolider le principe de traitement mis en place lors de la 1ère séance.
2.2 Dispensaire de PREY TROLACH
2 journées
Plus lointain, à environ 35 km, nous nous y rendons en minibus affrété par l’hôpital et une ambulance emmenant le matériel (table et sacs).
Nous bénéficions aussi de salles individuelles dans lesquelles nous nous installons.
Nous sommes surpris à notre arrivée, par un nombre relativement faible de patients nous attendant.
Mais dès l’après-midi et le lendemain, les patients qui semblent nous avoir testés, affluent.
Nous saurons par la suite qu’une expérience mal vécue avec des acupuncteurs chinois et coréens venus dans leur dispensaire, les a rendus méfiants.
Nous sommes heureux de constater que nous avons pu regagner cette confiance.
- Douleurs articulaires, dos hanches, jusqu’aux chevilles
- Douleurs tête, épaules cervicales
- Douleurs et brûlures estomac
- Douleurs dûes à des traumatismes : chutes ou accidents
- Douleur du dos qui descend dans les jambes
- Douleur d’une ou des 2 jambes
- Douleur avec fourmillements des membres ou des pieds
- Douleurs aux jambes aux épaules et à la nuque
- Douleur des genoux jusqu’aux pieds
- Douleur des mollets
- Maux de tête, vision brouillée
- Douleur épaule omoplate
- Tendinite genoux et épaules
Nous pouvons constater que là également les douleurs sont installées depuis longtemps. Les soins en acupuncture et/ou tuina peuvent soulager et améliorer le bien –être, et est d’ailleurs ressenti par les patients. Mais si ces soins ne sont pas reconduits, les effets ne peuvent pas durer. Nous avons été amenés à donner des conseils en matière d’hygiène de vie, et de diététique :
- Eviter de manger des aliments trop piquants : piments, trop sucrés, car beaucoup de personnes étaient diabétiques ;
- Eviter de boire trop chaud ou au contraire privilégier les boissons chaudes en fonction du diagnostic
- Faire des exercices simples d’échauffement musculaires et articulaires
- Adopter des postures de travail ergonomiques (port des charges lourdes notamment)
Les personnes étaient très à l’écoute de ces conseils.
Nous étions en fin de saison des pluies, contrairement à la mission précédente, et les douleurs étaient aggravées par le froid et l’humidité.
En posant nos mains sur certaines articulations, elles étaient froides: chevilles, genoux, zone lombaire.
Quelques patients avaient aussi de la chaleur interne.
2.3 Hôpital de Maung Russei
Nous nous y installons pour toute la semaine, dans une salle commune où nos tables de soin sont séparées par des paravents.
Cette organisation nouvelle, si elle nous inquiète dans un premier temps, s’avèrera très fonctionnelle et utile aux échanges entre thérapeutes lors de consultations difficiles.
La complexité des pathologies s’accroit au fur et à mesure : AVC, lésions traumatiques graves, etc…
Le directeur de l’hôpital nous dira après coup qu’il n’avait prévenu personne de notre venue, dans le but de vérifier la spontanéité et la confiance de la population qui se présenterait, sans qu’il y ait eu d’information préalable.
Nous avons constaté là encore l’importance du bouche à oreille, des témoignages de personnes venues recevoir un soin.
Des patients reçus dans les dispensaires précédents sont venues pour une 2nde puis 3ème visite durant notre séjour.
- Douleurs articulaires dos, hanhes jusqu’aux chevilles et/ou aux pieds
- Poly-traumatismes après un accident
- Douleurs épaules et jambes
- Douleurs aux genoux simples ou avec une ou plusieurs autres articulations
- Douleurs membres supérieurs : omoplates jusqu’aux doigts
- Douleurs articulaires multiples avec fourmillements
- Douleurs lombaires
- Douleurs cervicales, nuque, irradiant ou non dans la tête
- Maux de tête avec ou sans retentissement sur la vision
- Blessures de guerre avec impacts psychologiques
- Morsure de serpent , nécrose et rétractation des chairs
- cauchemars
- Douleurs et brûlures d’estomac
3) Des faits marquants
1) Un capital confiance qui s’est installé rapidement
Nous avons vu affluer de plus en plus de monde, et avons dû organiser les passages en attribuant des numéros. Nous avons plusieurs fois reçu les proches des patients, venus recevoir un traitement suite à la recommandation d’un des leurs : le bouche à oreille fonctionnant très vite.
Dans le 2ème dispensaire (Prey Trolach), peu de personnes attendaient le 1er jour. Mais dès le 2nd, une forte affluence qu’il a été difficile de gérer.
Le directeur de l’hôpital nous a expliqué qu’une équipe de chinois était venue pratiquer des soins en acupuncture, mais avait été mal perçue, et leur traitement mal vécu : nous avions donc un capital confiance faible à priori.
Les patients ont attendu parfois toute la journée pour pouvoir passer, du fait de plusieurs urgences que nous avons pris en priorité.
Chaque binôme a traité en moyenne 8 patients/jour.
Afin de permettre de revoir plusieurs fois les patients, nous devrons rester au moins 5 jours consécutifs dans chaque dispensaire.
Nous avons revu certains patients n’hésitant pas à faire de longs trajets lors de la semaine suivante, à l’hôpital de Maung Russei.
2) Derrière l’apparence, un monde d’émotions refoulées…
A première vue, beaucoup de symptômes se ressemblaient, les douleurs articulaires aux genoux, au dos, à la hanche….
Mais au cours de l’entretien et à l’observation des visages, des expressions, nous avons observé combien d’autres douleurs se cachaient derrière celles exprimées….
C’est comme si, faute de les parler, et pour les supporter, ces blessures profondes s’exprimaient par les blocages articulaires et lombaires…
Pour la 1ère fois, nous avons reçu des soldats, venant pour des douleurs lombaires, maux de tête.
Nous avons été marqués par leur maintien fier, raide, un regard fixe, droit devant, que nous n’arrivions pas à capter lors de l’entretien préalable.
Au premier d’entre eux, nous avons posé une question :
« Vous mettez-vous facilement en colère ? »……
Des larmes ont envahi son regard, comme si ces mots venaient de percer une armure… Nous avons enchainé sur le sommeil, chargé de cauchemars, depuis des années…
La parole se libère alors, sur l’atrocité des actes qu’il a sans doute été forcé à commettre, sur les fantômes qui le hantent depuis lors….
Une charge si lourde depuis tant de temps, que son dos stocke et qui fige ses mouvements, même la nuit.
Nous avons revu ce patient 2 fois, et son visage se transformait au fur et à mesure.
Cette rencontre nous a permis de gérer les autres avec ce nouveau regard, et nous avons vu des sourires s’épanouir sur leurs visages.
3) Les pathologies traitées
Les motifs annoncés de consultation étaient pour la grande majorité des douleurs articulaires, pour la plupart présentes depuis de nombreuses années.
Des accidents de moto et chutes dans les rizières laissant des séquelles douloureuses et non soignées et des problèmes locomoteurs importants.
Les terrains rencontrés étaient pour beaucoup des situations d’humidité interne et de froid, probablement du fait des travaux durs et en rizière, trempant dans l’eau.
Nous avons été surpris du nombre de patients présentant un diabète sucré, des maladies de foie, et de l’hypertension. L’alimentation très riche en sucre, même si elle est équilibrée par ailleurs, peut en être la principale raison.Beaucoup de patients suivaient encore des traitements pour l’hypertension et le diabète.
Les chirurgies récentes ou anciennes, laissaient des séquelles de cicatrices et d’adhérences douloureuses.